L’exposition sur Helena Rubinstein, L’aventure de la beauté, au MAHJ, le musée d’art et d’histoire du Judaïsme, retrace jusqu’au 25 août 2019 la vie de « Madame« , comme tout le monde l’appelait. Femme de caractère, elle a vécu 92 ans, dans plusieurs villes : sa ville native de Cracovie, à Vienne, Melbourne, Paris, New York… en y créant un véritable empire, à partir de rien.
Femme cosmopolite, née pauvre, elle deviendra richissime grâce à un travail acharné, une volonté de fer et une soif de changer ce à quoi sa condition de naissance l’avait destinée, pour décider de son avenir par elle-même. De caractère autoritaire (mais cela se dit de toutes les femmes de caractère, n’est-ce-pas?) c’est une conquérante, qui, pendant plus d’un siècle se battra et sera pionnière dans l’émancipation des femmes.
Note : 8/10
Points forts : La visite guidée était vraiment très intéressante!
À améliorer : Le groupe comprenait un trop grand nombre de personnes.
Whether you are sixteen or over sixty, remember, understatement is the rule of a fine makeup artist.
— Helena Rubinstein
Helena, ou, mieux, de son vrai nom, Chaja, naît à Cracovie le 25 décembre 1872 dans un quartier très modeste, au sein d’une famille d’origine, juive et paysanne. Elle est l’aînée de sept filles. Elle arrêtera tôt sa scolarité et recevra une éducation modeste, pour se préparer à devenir une « bonne épouse« . Malgré cela, elle raconte avoir commencé ensuite des études de médecine a l’université. Mais cela, c’est Helena qui nous le dit, la créatrice de sa marque et de son personnage, où réalité et fantaisie se mélangeront…
Au grand désespoir de sa mère, elle refuse l’un après l’autre tous les partis qui se présentent pour l’épouser. De cette mère, qui sera si importante pour elle, elle racontera que la crème qui sera à l’origine de sa marque de produit de beauté, c’est celle que sa mère préparait pour ses filles. En effet, à cette époque, en Europe centrale, les femmes fabriquaient elles-mêmes leur crème de beauté à la maison après avoir en acheté les ingrédients en pharmacie.
Les femmes seront au centre de toute sa vie, à commencer par ses sœurs qu’elle placera dans son entreprise, et sa nièce, la fille de sa sœur Régina, qui deviendra son alter ego, et le deuxième visage de sa marque. Leur ressemblance est frappante, le style est identique : cheveux coiffés en chignon, maquillage impeccable, toilette signée par le couturier en vogue. Mais aussi ses clientes, et elle même, qui deviendra la principale égérie de sa propre marque, et l’icône d’un style de business.
Ça sera elle qui, avec
Elizabeth Arden aux USA, sa plus grande concurrente, démarrerons cette nouvelle industrie de la beauté, au début du XIXe siècle, dans laquelle les hommes n’arriveront que beaucoup plus tard, et seulement quand le marché se relèvera lucratif. Comme par exemple les frères Epson, créateurs de la marque Revlon, qui, entre les deux guerres, se lanceront dans le vernis à ongles.
Au début du siècle dernier la beauté devient l’emblème de la liberté pour les femmes, qui protestent pour les droits civiques aux USA, et le rouge à lèvre devient le leitmotiv de la lutte féminine. À l’époque ce sont seulement les actrices ou les prostituées qui se maquillaient, et le maquillage était donc très mal vu par une femme honnête.
Ce sera très différent dans les années 20 et 30, où partout la beauté deviendra un culte : il faudra rester jeune à tout prix, mode grâce à laquelle le business de Rubinstein a pu prospérer.
Après une brève période de deux ans à Vienne, elle est envoyée à Melbourne chez ses oncles. De Vienne, il ne lui restera qu’un brevet de la formule pour produire le mascara, qu’elle achètera à une actrice de théâtre et qui deviendra, amélioré, un emblème de sa marque, dans les années 50 : le mascara waterproof. C’est aussi à Vienne qu’elle changera son nom de Chaja à Helena. Elle a alors seulement 24 ans quand elle traverse les océans mais elle a hâte de partir et de mettre de la distance entre elle et sa famille, et une vie qui n’est pas la sienne…

Une femme courageuse qui repartira toujours de l’avant malgré les difficultés, les guerres, les lois raciales et la fuite aux USA, la mort de sa sœur Régina déportée à Auschwitz, et celle de son fils cadet décédé à l’âge de 45 ans dans un accident de voiture. Dans l’exposition, une interview nous la présente à 90 ans, et ce qui frappe c’est sa vitalité : elle est une vivante, qui ne s’épargnera jamais, une stakhanoviste, généreuse dans la vie, mécène, collectionneuse presque compulsive, hyper-exigeante avec ses proches, dictatrice dans son entreprise…
C’est à Melbourne qu’elle rencontrera celui qui deviendra son premier mari, un juif polonais très cultivé, qu’elle embauche pour s’occuper d’écrire les textes pour sa marque. Avec lui, elle aura deux fils : Horace et Roy, respectivement en 1910 et 1912. Ses relastions avec ses fils seront toujours difficiles, ce qui explique pourquoi, à la mort d’Helena, ils choisiront de vendre rapidement l’affaire de famille à L’Oréal. Avec son mari aussi, ce ne fut pas toujours l’idylle… Ils divorceront en 1938, et elle se remariera avec un prince russe désargenté qui était son professeur de bridge et son cadet de 20 ans.
En Australie, elle lancera la production de la fameuse crème de sa mère qu’elle aura amélioré au travers d’études, et fera du porte à porte pour en démarrer la commercialisation. Le marché prend très vite, sa marque fonctionne, elle lance même l’idée des crèmes différentes selon le type de peau. Elle appelle Valaze sa crème destinée à hydrater les peaux sèches et paye une actrice de théâtre pour en devenir l’égérie.
Elle ouvre aussi son premier salon de beauté et remporte un franc succès. Elle revient ainsi en Europe, à Londres, où elle ouvre une boutique à Mayfair, et où elle s’impose rapidement auprès de la haute bourgeoisie.
Elle s’établira aussi à Paris, où elle achètera deux maisons, dont un immeuble qu’elle se fera construire, rue Raspail. Elle fera travailler de jeunes architectes pour la décoration de ses boutiques et de ses maisons. Elle deviendra mécènes de tous les artistes de l’époque, de Matisse à Picasso. Elle lancera une ligne des cosmétiques qui marchera très bien.
Elle démontrera aussi un grande maîtrise des moyens de communication de la presse, dont la télévision qu’elle saura utiliser pour promouvoir son activité.
Elle commencera aussi sa collection d’art immense, composée de près de 700 pièces, qui seront vendues à sa mort, et dont quelques exemples sont exposés.
Amie des artistes et des grand couturiers, dont Poiret et Yves Saint Laurent, elle s’éteindra presque centenaire le 1er avril 1965 à New York.
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